J'aime pas les gens
Rappel préliminaire: L'auteur est un asocial notoire; son opinion ne fait que refléter sa frustration face à ses incapacités. Et l'auteur vous aime, vous.
J'aime pas les gens.
Du moins ceux auxquels je suis supposée ressembler.
Ceux auxquels il serait attendu que je puisse faire la conversation.
Ceux qui ont mon âge... et tellement pas les mêmes préoccupations. Les mêmes repères. Ceux auprès de qui je ne pourrai pas invoquer, en cas d'incompréhension, de l'excuse du fossé inter-générationnel.
Ceux qui parlent le français et qui peuvent m'agresser via la compréhension de leurs mots. Pire encore! Ceux qui savent je parle le français comme eux, et qui en profitent pour, bah, s'adresser à moi. Et me faire me sentir obligée de répondre. Qui me privent de l'excuse de la barrière des langues.
Les femmes, les filles. Celles-là qui croient jouer avec les mêmes armes que moi, et ne me trouvent jamais de circonstances plus atténuantes que les leurs. Celles-là qui savent que le "mystère féminin" est une légende savamment entretenue, et en déduisent que je ne dispose vis-à-vis d'elles d'aucune inconnue.
Les Français. Les Réunionnais, carrément, quoi qu'en globalement plus sympa quand-même. Pour qui il est si naturel, entre soi, de parler créole, de savoir ce que c'est qu'un "soubik". Qui sont capables de vouloir m'expliquer pendant une demi-heure où se trouve la "Ravine à Malheur" et qui n'obtiendront de moi qu'un "ouais ouais" tiède et absolument pas convaincu.
Les étudiants, et plus précisément les matheux, et plus précisément ceux qui suivent les cours dont il serait présomptueux que j'affirme les suivre aussi (ce n'est là que la position officielle). Qui voudraient discuter avec moi du dernier devoir à rendre, de ce prof siii extraordinaire qu'"on" a eu au semestre dernier, ou alors de M2, de stage, d'avenir.
Alors que d'un autre côté, je prends tellement plaisir à sourire à une vendeuse, à demander comment il va à mon "perceur", à féliciter une inconnue pour ses chaussures (ouais, non, ça en fait j'ose pas). Alors que j'aime être agréable aux vieilles dames, faire des grimaces aux enfants.
J'adore écouter les conversations tenues en des langues qui me sont étrangères, intriguer en ouvrant dans le bus (allemand) un livre écrit en français.
J'aime être seule au milieu de foules qui ne me voient pas. Je ne me sens jamais aussi bien accompagnée, aussi intégrée à mon monde, aussi entière, que lors de mes excursions solitaires parmi ceux qui me sont autres.
J'aime par ailleurs les tête à tête, humain à humain, sans plus de groupage possible. Quand on n'est que toi et moi, on n'est plus tellement nous deux femmes, toi littéraire moi scientifique, tous les deux francophones, toi la trentaine moi la mi-vingtaine (seigneur, ça s'approche)... On n'est presque plus que nous.
Et puis il y a un groupe, un seul, dans lequel je me reconnais, dans lequel je me sens moi, où j'ai ma place en tant que moi, réellement, particulièrement.
Et ce groupe, c'est cette drôle d'association qu'on forme quand on est tous réunis, moi, L., V., E., F., C. et Y., la bande des sept à huit J, mes frères et soeurs, ma belle et grande famille.