Conte blanc - partie 3

Publié le par Maylala

[ Pour cette fois, une "dédicace" tardive: ce conte est pour celui qui m'a inspiré le personnage d'un voyageur, en espérant que le jour où il repartira, ça sera... avec moi. ]

 

 

 

 

 

 

 

Le printemps arriva presque d'un coup, en une explosion de bourgeons et de chants d'oiseaux, mais l'homme au coeur gelé ne le vit pas.

Il avait passé tout l'hiver dehors, et l'hiver avait été particulièrement rude. Son seul abri avait été une couverture qu'il avait trouvée, un matin, avec le pain et le fromage qui avaient continué d'apparaître chaque jour.


Il n'entendit pas les oiseaux, ne vit pas les arbres verdir, il ne sentit même pas le soleil réchauffer sa peau, car pendant une semaine, il fut impossible à réveiller.

Quelqu'un avait fait venir un médecin du village voisin, lequel avait annoncé sa mort prochaine. En attendant, on lui avait fait boire, difficilement, de l'eau de la rivière, et on l'avait un peu mieux couvert, mais personne n'avait eu le coeur, pour ses derniers jours, de l'éloigner de la fontaine qu'il aimait tant.



Au bout d'une semaine d'ensoleillement exceptionnel, la fontaine fut entièrement dégelée.

Une habitante du village fut la première à s'en apercevoir. Elle venait vérifier l'état de santé de l'homme, et surtout, comme chaque jour, l'admirer dans son étrange sommeil. Car c'était elle qui était à l'origine de toutes les bontés dont il avait profité, elle qui avait voulu prendre soin de lui depuis le soir où il avait frappé chez ses voisins d'en face, où elle l'avait vu fuir sans pouvoir le rattraper, sans pouvoir lui dire qu'elle lui offrirait volontiers le gîte et le couvert.

En l'observant, elle remarqua d'abord que sa respiration était devenue bien plus tranquille, bien moins difficile que la veille, et elle se demanda si c'était bon ou mauvais signe. Puis elle vit que l'eau (l'homme était allongé sur le rebord de la fontaine, la tête tournée vers elle) tremblait légèrement sous son souffle régulier.


Et sans y réfléchir, parce qu'il faisait si beau, parce que l'air était empli des bruits de la forêt et de ceux du village qui renaissaient, et parce qu'elle était trop triste pour ne pas être joyeuse... elle entra dans l'eau, en prit autant que possible dans ses mains, et jeta le tout en l'air!

Des milliers de petites gouttes aux reflets arc-en-ciel s'égrénèrent, étincelantes, tout autour de la fontaine.

L'une d'elles atterrit sur le voyageur, qui venait de parcourir, sous ses paupières closes, plus de distance qu'il ne l'avait fait durant toute sa vie. Et il ouvrit les yeux.

 


 


Il vit en tout premier lieu son reflet qui vibrait dans l'eau, et il se reconnut. Puis, au dessus de son visage, il en vit un autre, doux, chaud, souriant, et il sut qu'il était réel.

Et pour la première fois depuis des mois, il leva la tête. Et effectivement, il vit là une femme toute trempée, une femme qui l'attendait depuis très, très longtemps.

Publié dans écriture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
<br /> whouaou !! scotché !! et serieux ... ce voyageur ... je voudrais etre lui .. merci !! :0)<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> à y regarder de près... tu l'es un peu :)<br /> <br /> <br /> et de rien!<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> <br /> Ooooh que c'est joli! et ça finit bien! ;)<br /> <br /> <br /> et surtout, tu écris très très bien. Tu pourrais en faire ton métier, même.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> <br /> Merci beaucoup. Et dans mon monde à moi, les contes finissent toujours bien!<br /> <br /> <br /> <br />